Implantation des Mozabites dans le département d'Alger
Entité sociale, la communauté mozabite présentait un type particulier. Elle formait un groupe homogène par son caractère et son opinion ; elle s'attachait à préserver son identité au milieu d'une majorité sunnite. Les épreuves difficiles que les Mozabites avaient connues, développèrent chez eux un esprit de communauté qui ne fut pas sans expliquer certains aspects de leur comportement. Entité géographique, le M'zab fait partie de la région saharienne. Cette région est caractèrisée par l'aridité de son sol et par des conditions climatiques et économiques défavorables. Tout en maintenant leur intégrité communautaire, les Mozabites durent s'expatrier pratiquant le négoce, comme moyen principal de subsistance. Ces activités commerciales ont contribué à individualiser de plus ce groupe. L'émigration mozabite vers le Nord algérien aurait commencé dès le début du XIVe siécle. Peu à peu, l'implantation mozabite s'est diffusée dans les centres urbains du Nord. Parmi toutes les corporations ayant subsisté depuis l'époque turque, celle des Mozabites était la seule qui ait pu garder l'aspect (provisoire) de sa migration et maintenir des relations permanentes avec sa propre région. Le mouvement d'émigration des commerçants mozabites a été souvent noté mais reste peu étudié. Parler de l'émigration exclusivement mozabite, se serait se limiter aux mouvements des Mozabites, quittant le M'zab à destination du Nord algérien. Cet aspect migratoire est limité dans l'espace et en partie dans le temps. Cette limitation précise encore les frontières de notre sujet. Alger, la capitale politique et économique, c'est la ville où la concentration mozabite est plus considérable, c'est pourquoi notre choix s'est fixé plus précisément sur l'Algérois. Le présent travail s'inscrit à la fois dans un cadre historique et social. Sur le plan historique, nous mettons l'accent sur la période de l'entre-deux-guerres. Cela nous permet à la fois d'effectuer des enquêtes de terrain et de réaliser des entretiens avec des personnes ayant vécu les événements de l'époque (comme acteurs ou comme témoins). Ce champ de recherche nous conduit, aussi, à étudier un fonds d'archives considérable jusqu'ici demeuré inaccessible. Il s'agit notamment des archives d'Outre-Mer d'Aix-en-Provence. La nature du sujet repose, donc, en grand partie sur les déplacements fréquents pour la consultation des centres d'archives et les entretiens. L'émigration mozabite est un fait important. Ce fait suppose des conditions d'existence et des causes. Il entraîne aussi des conséquences. Une étude des causes et des mécanismes de cette dispersion constituent l'un de nos axes de recherche. Fait d'origine économique, l'émigration produit en premier lieu des résultats économiques. Elle entraîne des conséquences sociales importantes. Enfin, comme tout fait humain et économique, elle conduit parfois à des situations juridiques singulières. Nous avons examiné donc, tour à tour, les conséquences économiques, sociales et juridiques de cette émigration. L'implantation des Mozabites au Nord pour se livrer au commerce, raison pour laquelle ils avaient quitté leur (pays) d'origine, n'était pas restée un objectif en soi. Cette émigration incita les Mozabites à confronter, simultanément, plusieurs activés pour ne plus rester en marge des événements que traversait l'Algérie. On les voit ainsi prendre part dans l'action politique, engager dans les domaines : socio-culturel, syndical, associatif et journalistique, allant de paire avec toute évolution. L'organisation de la vie mozabite dans le Nord comporta certaines mesures dont il fallait obtenir des exceptions d'ordre administratif ou judiciaire. Des difficultés s'étaient élevées au sujet des statistiques, des déplacements des voyageurs, des unions dites (mixtes), de la liquidation des successions, de l'application du statut personnel : état civil, mariage, etc. Dans quelle mesure, l'émigration influe-t-elle sur les moeurs et les habitudes ? Peut-on envisager de ce fait, un changement de la mentalité d'émigrés ? Le comportement économique de la société mozabite, l'aspect et les traits caractéristiques de son émigration, les activités commerciales, sociales, culturelles et politiques menées dans le Nord par ce groupe sont les éléments dominants de cette étude. Nous avons étudié la répartition des émigrants mozabites, les branches du commerce qui les intéressaient, ainsi que les éléments statistiques et analytiques de cette dispersion. Les passions politiques qui divisaient le M'zab en deux clans, conservateurs et réformistes, s'étaient transplantées également en zone d'émigration. Ces controverses qui atteignaient leur comble à partir des années trente, allaient entraver gravement les activités des Mozabites. L'étude pourrait ainsi servir de comparaison avec d'autres groupes sociaux maghrébins livrés au même destin, à savoir : les Soussi du Maroc et les Djerbiens de Tunisie qui présentent des traits analogiques. Notre propos tend à savoir comment il est possible de préserver l'identité d'un groupe, d'une minorité silencieuse et pacifique, celle de la société mozabite au sein d'une majorité sunnite souvent rivale et adverse, traversée par des élans révolutionnaires et profondément secouée.
Située dans le Sud algérien à 600 km. d'Alger, la région du M'zab, englobant à l'origine cinq villes, est souvent désignée sous le nom de (Pentapole). Ces villes sont : El-Ateuf, Tadjnint (en berbère), Bounoura, At-Bounour, Ghardaïa, Taghardeit, Beni-Isguen, At-Isdjen et Mélika At-Tamlichet. Deux autres villes périphériques, dont la fondation est relativement plus récente : Guerrara, située à 116 kms. de Ghardaïa, et Berriane à 43 kms. L'ensemble de ces sept villes constitue l'(Heptapole). La communauté mozabite est une minorité qui appartient au groupe berbère des Zénatas. Elle ne dépasse pas 0,5% de l'ensemble de la population algérienne. Le berbère mozabite est la langue vernaculaire de cette communauté. Toutefois, l'instruction religieuse et la nécessité de faire du commerce avec les arabophones ont fait que ses hommes sont souvent bilingues voire trilingues, depuis la colonisation.